Au rythme du tambourin : musique et danses traditionnelles à Celles

19/09/2025

Un terroir vibrant au son des traditions

Dans l’intimité du village de Celles, sur les rives du Salagou, la musique traditionnelle et les danses populaires occupaient autrefois une place majeure dans la vie collective. Comme dans bien d’autres villages du Languedoc, elles organisaient le temps, rythmaient les saisons et tissaient un lien entre générations. Les ruelles pavées de Celles, ses placettes et même les granges s’animaient aux soirs de fête ou lors des grandes occasions, portées par des mélodies aux accents du Sud.

L’art populaire languedocien : la palette musicale de Celles

Les instruments des villageois

Les habitants de Celles faisaient vivre un répertoire musical largement hérité du Languedoc. Au cœur de cette tradition, le tambourin-provençal — un instrument à percussion longiligne — et son inséparable compère, le galoubet (flûte à trois trous), accompagnaient de nombreuses célébrations. On retrouvait aussi la craba, la cornemuse du Languedoc, et, à l’occasion de foires, les violons, accordéons diatoniques et même parfois la musette.

  • Tambourin : présent dès le Moyen Âge, fréquemment cité dans les inventaires ruraux jusqu’au XIX siècle en Languedoc (Trad’Òc).
  • Accordéon : apparu à la fin du XIX siècle, il révolutionna les bals villageois en rendant la musique plus accessible.

Un répertoire oral et vivant

La musique à Celles se transmettait oralement. Les répertoires circulaient lors de rencontres : mariages, vendanges, fêtes patronales, où jeunes et anciens chantaient ou dansaient ensemble. Les airs de ronde, bourrées à deux temps, ou encore les célèbres farandoles égayaient ces moments.

  • La farandole : danse en chaîne, emblème méridional, très prisée lors du carnaval ou de la Saint-Jean.
  • Branle : ancienne danse collective réalisée sur les places, en cercle ou en ligne, adaptée avec des paroles locales.

Moments forts : fêtes et rassemblements à Celles

Le calendrier festif traditionnel

Jusqu’à la deuxième moitié du XX siècle, presque chaque saison voyait ses rendez-vous festifs, entraînant les habitants dans une effervescence partagée.

  • Fête patronale de Saint-Brigitte (le 1 février) : Occasion de remerciement à la sainte protectrice. Messe, procession, puis bal prolongé jusque tard dans la nuit, selon les témoignages des anciens villageois et archives orales du Parc naturel régional du Haut-Languedoc.
  • Feux de la Saint-Jean (fin juin) : Les danses en chaîne autour des feux, où le répertoire régional était mis à l’honneur, favorisaient l’intégration des plus jeunes.
  • Vendanges et moissons : Lorsque les travaux agricoles s’achevaient, les habitants organisaient des repas en plein air, suivis de bals improvisés sur la place du village (témoignages recueillis par l’association ).

Ces fêtes étaient des moments clés pour la transmission des chansons et danses. Chacun connaissait les pas de base dès l’enfance. Les musiciens, souvent amateurs mais passionnés, adaptaient leur répertoire à l’assistance. En l’absence d’instruments, on chantait en chœur, pratique dite chambrément ou à la cantonade.

Danses collectives : une tradition vivace jusqu’à l’exode rural

Les formes de danses les plus appréciées

À Celles, comme dans l’ensemble du Languedoc, les danses étaient avant tout collectives, marquées par la simplicité, la convivialité et l’importance de la cohésion sociale. On distingue plusieurs formes, chacune correspondant à des moments particuliers de l’année ou de la vie.

  • La farandole : Danse en serpentin ou en cercle, entraînait toutes les générations, symbole de continuité.
  • Le bourrée : À deux ou plusieurs, caractérisée par des pas glissés et des figures où chacun pouvait briller brièvement.
  • La rondeau : Souvent chantée, mêlant marche et mouvement rotatif, typique des fêtes d’hiver.
  • Les danses de couple : Mazurka, polka, scottish — importées au XIX siècle lors du grand renouvellement des bals populaires.

Les danses n’étaient pas seulement un divertissement : elles servaient d’initiation à la vie sociale, d’apprentissage de la politesse (savoir inviter, remercier), et d’espace de rencontre pour les futurs couples.

Le bal du village : un lieu d’expression et d’émancipation

Le bal public était le cœur social de Celles, organisé dans la cour de l’ancienne école communale ou sous les platanes de la place. L’animation était assurée par des musiciens locaux, parfois rejoints par des virtuoses d’autres villages — un évènement qui pouvait attirer plusieurs dizaines de personnes.

Selon l’Archives départementales de l’Hérault, dans les années 1920-1950, ces bals attiraient même des visiteurs des environs (Octon, Mourèze), créant un brassage festif dans la vallée du Salagou. Leur disparition progressive dans les années 1960-1970 a suivi le dépeuplement progressif du village lié aux grands travaux du barrage.

Transmission et adaptations : la mémoire vivante de Celles

L’importance de l’oralité et des collectes

La transmission des danses et chansons s’effectuait d’abord de façon orale. Ce patrimoine a été durablement fragilisé après l’exode rural et le quasi-abandon du village de Celles dans les années 1970-80. Cependant, de nombreux collecteurs, ethnomusicologues, et associations comme Trad’oc ont permis de préserver traces et souvenirs de ce riche passé.

  • Chansons de veillées recueillies dans la haute vallée du Salagou dans les années 1980 par Jean-Michel Effantin (e-patrimoine.org).
  • Exemple de ronde enfantine : « Farandolèt, fèstas de país » documentée dans l’ouvrage de Claude Sicre, « Ritualité festive en pays d’Oc ».

Aujourd’hui, ces collectes nourrissent les initiatives locales de préservation et d’enseignement — ateliers, stages de danses anciennes, bals folks. Plusieurs festivals autour du Salagou proposent régulièrement des initiations à ces danses, interrogeant le lien entre passé et présent.

La résistance des traditions dans le nouveau Celles

Depuis la relance de la vie communale à Celles, avec la réhabilitation du village et son repeuplement progressif, les fêtes ont retrouvé place, soutenues par les associations locales. Les musiques traditionnelles résonnent à nouveau lors de rassemblements estivaux, témoignant d’une volonté forte de ne pas rompre le fil.

  • Été 2023 : organisation d’un bal traditionnel, réunissant anciens et nouveaux habitants autour d’un répertoire partagé (Hérault Tribune).
  • Bals itinérants : programmés par l’association , favorisant la rencontre des habitants du pourtour du lac.

Les musiques et danses traditionnelles : un héritage ouvert

À Celles, la musique et la danse étaient tout sauf accessoires : elles portaient l’identité du village, structuraient la vie sociale, et façonnaient les souvenirs communs. Leur persistance, même fragile, révèle un attachement profond à la culture d’Oc et à la convivialité populaire. Parmi les pierres rouges de Celles, sur les rives du Salagou, elles demeurent un passage vers une autre façon de vivre ensemble — et un appel à la curiosité pour tous les visiteurs d’aujourd’hui. Que l’on participe à un bal, que l’on écoute une bourrée à l’ombre d’un platane, on prolonge le souffle d’un patrimoine vibrant qui a encore beaucoup à transmettre.

En savoir plus à ce sujet :