Celles et Salagou : un dialogue retrouvé entre terre d’exil et île d’espoirs

25/10/2025

L’histoire contrastée du lac du Salagou : entre nécessité, exil et paysage

Né au tournant des années 1960-1970, le lac du Salagou s’est imposé comme l’un des grands chantiers hydrauliques de l’Hérault, avec un barrage de 60 mètres de haut et une retenue de près de 700 hectares (source : Département de l’Hérault). Son objectif était double : irriguer les cultures de la vallée et prévenir les crues, mais le revers de cet élan fut le déplacement de villages voués à disparaître sous les eaux, dont celui de Celles, alors peuplé d’environ 80 habitants.

A l’achèvement du barrage en 1969, l’eau venait lécher les abords du village mais n’a jamais recouvert ses maisons, la cote du barrage ayant finalement été stabilisée à 139 mètres, en deçà des calculs initiaux (source : France Bleu). Pourtant, Celles avait été désertée, murée, réduite à l’état de village-fantôme pendant plus de 40 ans. Ce paradoxe a nourri une histoire singulière : le village survivait en sursis, campant entre mémoire vive et inertie.

  • Surface du lac : environ 700 hectares
  • Barrage de hauteur : 60 mètres
  • Capacité : 103 millions de m³
  • Population de Celles évacuée : environ 80 habitants

Celles, un village-fantôme au cœur d’un paysage vivant

Contraint à l’abandon mais jamais anéanti, Celles est devenu un symbole involontaire de l’histoire du Salagou. Les maisons, en déshérence mais debout, attiraient randonneurs, photographes et curieux, fascinés par cette immobilité. Dans ce décor où la nature reprenait ses droits, on lisait en filigrane l’ambivalence du progrès humain : la promesse d’une vallée irriguée, contre le coût d’un village suspendu dans le temps.

De nombreux anciens habitants, eux, ne cesseront jamais de veiller sur les ruines, maintenant des rassemblements annuels dès les années 1970, alors même que certains biens privés restaient entretenus malgré l’interdiction d’y résider (source : Midi Libre).

Pour la majorité de la population locale, Celles restait ce « village en attente », qui imposait à tous la question : que faire de ce passé qui refuse l’oubli ?

Une politique nouvelle pour Salagou : valoriser, non plus renoncer

À partir des années 2000, un changement de perspective s’amorce autour du Salagou. La Communauté de Communes du Clermontais et le Département de l’Hérault envisagent désormais le lac non seulement comme ressource, mais comme destination à part entière. La fréquentation explose : de quelques centaines de visiteurs annuels avant 1995 à plus de 450 000 personnes par an dans les années 2020 (source : Région Occitanie).

  • Nombre de visiteurs du lac du Salagou : 450 000 par an en moyenne
  • Randonnées balisées : plus de 30 km autour du lac
  • Activités nautiques autorisées : canoë, paddle, planche à voile (baignade surveillée en été)

Dans ce mouvement, la présence singulière de Celles, résistant à la destruction et à la noyade, attire l’attention : il devient un espace à interroger et à réinventer.

La renaissance de Celles : espoirs, défis et chantiers

Un projet inédit en France

Le cas de Celles est unique : il ne s’agit pas de réhabiliter un village touristique, mais de faire renaître une commune sur ses terres historiques, en partenariat étroit avec la mémoire de ses anciens habitants. Il aura fallu des décennies de débats, de plans alternatifs et de démarches administratives pour voir émerger, en 2017, les premiers grands travaux : reconstruction de la voirie, remise en eau des fontaines et restauration des principaux bâtiments publics.

La philosophie du projet ? Maintenir Celles à la mesure de ses origines, un village à taille humaine, sans lotissements ni promoteurs, mais avec la volonté de retrouver une vie permanente, sociale et associative. La mairie favorise ainsi l’accueil de nouveaux habitants engagés dans l’esprit collectif, avec l’installation de coopératives, ateliers d’artisans et projets agricoles (voir Le Monde).

Piliers de la renaissance

  • Restauration de logements : rénovation progressive des maisons, attribution sur dossier pour éviter la spéculation.
  • Services publics relancés : réouverture de la mairie, d’une école, et d’une salle polyvalente.
  • Patrimoine protégé : inventaire et restauration des fontaines, lavoirs et façades sous le regard des Bâtiments de France.
  • Mixité sociale et générationnelle : priorité donnée à des familles et porteurs de projets locaux (agroécologie, culture, artisanat).

En octobre 2023, Celles compte officiellement 28 habitants, inscrits sur le registre municipal. Plusieurs familles sont attendues d’ici 2025, portant l’objectif à 50 résidents permanents, soit l’équivalent du village d’origine dans les années 1960 (Hérault Tribune).

Celles et Salagou : refonder le lien entre humains et territoire

La renaissance de Celles éclaire d’un jour nouveau la relation entre ce village et le reste du bassin du Salagou. Car si le lac fut d’abord perçu comme un élément imposé, transformant en profondeur les paysages et les vies, la dynamique actuelle dévoile une complémentarité : Celles n’est plus un vestige, mais un laboratoire de réinvention rurale. Le village se positionne comme un modèle de transition, alliant accueil raisonné des visiteurs et préservation de l’environnement.

Écologie et ruralité : l’exemple de Celles

  • Zéro voiture dans le centre : stationnement périphérique pour préserver la tranquillité et limiter l’érosion des sols rouges (Hérault Tribune).
  • Gestion de l’eau et de l’énergie : toitures équipées de panneaux solaires, restauration de l’irrigation ancienne, priorisation des matériaux locaux dans la rénovation.
  • Valorisation du “petit patrimoine” : panneaux d’interprétation sur l’histoire du village, sentier pédagogique reliant Celles à Mourèze via les ruffes.

Celles, miroir vivant du Salagou

Ce qui se joue à Celles dépasse le seul périmètre du village. Sa renaissance, patiemment construite, fait écho à la capacité du territoire du Salagou à se réinventer sans renier son passé : faire de la mémoire une ressource, et du paysage partagé un atout pour bâtir l’avenir.

La reconstruction de Celles rappelle qu’un village, loin d’être figé dans l’histoire ou sacrifié au nom du progrès, peut redevenir une terre d’accueil, d’initiatives et de transmission – à la condition que chacun, habitant comme voyageur, cultive ce respect profond qui lie le Salagou à ses bords. C’est dans la persévérance de ses habitants, dans le dialogue entre nature et culture, que s’écrit la suite de cette histoire collective, au fil des saisons et des rencontres sur la rive rouge.

Sources complémentaires :

  • Département de l’Hérault (herault.fr)
  • France Bleu
  • Midi Libre
  • Le Monde
  • Hérault Tribune
  • Région Occitanie

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